dimanche 14 juin 2009

La tradition d’enseignement des poèmes dans les arts martiaux vietnamiens.


Chaque école traditionnelle au Viêtnam référence ses techniques de combat sous forme d’enchainements codifiés, nommés Bài (leçon)Quyền ou Thảo (sequence codée).
Le Bài Quyền sera ainsi la leçon codifiée à mains nues et le Bài Binh Khí, la leçon codifiée aux armes.
Bài ou Thảo dans les arts martiaux vietnamiens correspondent au Kata dans les arts martiaux japonais ou au Tao Lu dans les arts martiaux chinois.

Une séquence codifiée (Thảo) est un ensemble de techniques de combat exécutées suivant des directions particulières, avec un rythme spécifique comme pourrait l’être une chorégraphie.

Cette chorégraphie permet d’enregistrer les techniques, de les répéter suffisamment pour qu’elles deviennent instinctives et remplacent les mouvements primaires d’attaques et de défenses.
Cette leçon permet aussi à l’élève d’étudier des combinaisons des coups qui ont déjà prouvées leur efficacité.
Le Thảo permet aussi de travailler des aspects du combat afin de limiter les erreurs dans le combat (éviter de tourner le dos, transférer correctement son poids, etc.)

La codification de cette chorégraphie martiale se fait par le biais de poèmes ou Bài Thiệu qui permettent ainsi, au sein d’une école, de transmettre aux étudiants non seulement la gestuelle, mais aussi « l’esprit » de la technique, les applications rattachées à tel ou tel mouvement ou à tel ou tel groupe de mouvements.

Le contexte métaphorique du poème permet ainsi de décrire les mouvements.

La description suivante n’est pas systématique, mais sert d’exemple pour comprendre comment peuvent être codés ces poèmes.

Un vers composé de quatre mots renseignera 1.) sur le mouvement a exécuté avec la main, 2.) la posture a adopté pour exécuter ce mouvement, 3.) la direction ou la manœuvre associé à ce mouvement 4.) le quatrième mot apportera un éclairage global sur la technique.

« La tortue noire s’enfonce dans l’eau »
Noire : indique les doigts
Tortue : posture croisée descendante
S’enfonce : idée de recul
Eau : mouvement de pique
La tortue noire s’enfonce dans l’eau : piquer avec les doigts en posture de la tortue et en effectuant un retrait du corps.

« Le tigre blanc quitte la montagne »
Blanc : le poing
Tigre : posture du cavalier
Quitte : avancer vers l’adversaire
Montagne : coup droit, direct.
Le tigre blanc quitte la montagne : avancer en posture du cavalier en donnant un coup de poing droit direct.

jeudi 28 mai 2009

Un exemple de parcours magistral dans les arts martiaux de Binh-Dinh : le grand maître Truong Thanh Dang.




Fondateur de l’école Sa Long Cuong, le vénérable maître Truong Thanh Dang (1894-1985) ne se doutait surement pas en commençant l’étude des arts martiaux traditionnels du Vietnam en 1908, alors âgé de 14 ans, que l’on citerait toujours son nom un siècle plus tard et qu’il serait connu comme l’un des plus grands représentant de l’art martial Binh-Dinh de son époque !

Maître en arts martiaux de la région de Binh-Dinh, il souhaitait que la jeunesse vietnamienne (qui pratiquait plus à cette époque les arts martiaux chinois que les arts martiaux traditionnels du Vietnam) puisse étudier aussi cet art martial singulier et authentique, et sache faire la différence entre les arts martiaux chinois et les arts martiaux traditionnels nationaux du Dai Viêt.

En 1964, il ouvrit officiellement son école, nommée Sa Long Cuong : le dragon sur la dune de sable.
Il enseigna jusqu’à sa mort en 1985, et eut ainsi l’opportunité de former une bonne dizaine de maîtres.

Maître Dang eut la chance de commencer ses études martiales avec son oncle et son grand-père, Maître To, qui était maître-formateur pour les candidats à la licence en arts martiaux au temps de l’empereur Nguyên.
A l’âge de 14 ans il demanda à ses parents l’autorisation d’approfondir ses connaissances et c’est ainsi que commença pour lui un cycle d’étude en arts martiaux. Il eut durant ses études l’occasion de pouvoir être enseigné par trois illustres maîtres de l’époque.

Le maître Hai Cut : domicilié au village de Cam Thuong, ce maître acquis sa notoriété notamment grâce à sa maîtrise de l’art du bâton et de la perche, avec lequel il parvint de nombreuses fois à tuer des tigres qui menaçaient le village. Maître Hai Cut enseigna notamment à Maître Dang la technique de perche Roi Trung Binh Tiên.

Le maître Truong Trach : il est licencié es-arts martiaux et descendant d’une célèbre famille de pratiquants d’arts martiaux.
Son ancêtre, Truong Duc Thuong s’installa dans les années 1600 dans le district de Phu My, province de Binh-Dinh. D’après la généalogie de cette famille, elle a donné naissance à de nombreux lettrés et guerriers.
M. Truong Duc Cai, par exemple, qui fut à la fois reçu aux concours littéraire et militaire sous la dynastie des Nguyen (1802-1945).
Ce fut Truong Duc Cai qui compila un traité d’arts martiaux faisant en autre état de 16 poèmes (Bai Thieu) des arts martiaux de Binh-Dinh :
Ngu Môn Thao : leçon au bâton (23 vers).
Truc Chi thao : leçon de combat à mains nues (24 vers)
Ô Du thao : leçon de combat au bâton (18 vers)
Ngoc Trân Quyên : leçon de combat à mains nues (27 vers)
Lao Mai Quyên : leçon à mains nues (14 vers)
Dang Bai Thao : leçon au bouclier (48 vers)
Siêu Dao Thao : leçon de combat à la vouge (8 vers)
Siêu Dao Thao : autre leçon de combat à la vouge (18 vers)
Tam thé Dang Bai Thao : autre leçon au bouclier (24 vers)
Truong Kiêm Thao : leçon à l’épée longue (30 vers)
Long Dao Thao : leçon à l’arme d’hast (8 vers)
Long Dao thao : seconde leçon à l’arme d’hast (11 vers)
Song Kiêm Thao : leçon de combat avec deux épées (12 vers)
Song Phu Thao : leçon de combat vec deux haches courtes (14 vers)
Et diverses autres leçons notamment au bâton.

Le maître Dinh Cat : descendant direct des célèbres généraux de la dynastie Tay Sôn. A cause de la persécussion des Nguyên, sa famille dut changer provisoirement le nom Dinh en Nguyên (Nguyên Van Cât. Il légua à maître Dang l’enseignement de célèbres leçons de Binh-Dinh, parmi lesquelles on peut citer Thien Su, Than Dông, Yên Phi, Tu Hai, Phuong Hoang, Lao Mai, etc.

En dehors de ses heures d’apprentissages auprès de ces maîtres, Maître Dang échangeait ses expériences avec celles de ses amis, réputés aussi à l’époque pour leur expertise : Doan Phong, Hai Cuu, Muoi Dâu, Xa Bup, Nam Tuong…

Son engagement dans la pratique et sa ténacité dans l’étude lui permirent ainsi au fil des années de maîtriser l’art martial de Binh-Dinh.

Maître Dang étudia aussi l’art martial Thiêu Lâm, auprès de Maître Vinh Phuc, maître réputé du style Thiêu Lâm et plus tard, à Phan Tiêt, auprès de deux autres maîtres du Thiêu Lâm, avec qui il put étudier par exemple le Bai Thao tu Môn Chuong (Les quatre portes de la poésie).

Maître Dang enseigna dans le secret de 1930 à 1964, date à laquelle il reçut l’autorisation gouvernementale d’ouvrir officiellement une salle d’armes.

mardi 26 mai 2009

L'art martial au Vietnam.


Les arts martiaux transmis au sein de notre école font parti du patrimoine des arts martiaux du Vietnam.
Les arts martiaux vietnamiens sont mal connus du public français.
Implantés en France depuis les années 70, ils ont été principalement promotionnés sous l'appellation Viet Vo Dao (litt. Voie de l'art martial du peuple Viet).
Au Vietnam on retient plutôt l'appellation Vo Co Truyen, ou Vô-Thuât Co Tuyen.
Võ-Thuật Cổ-Truyền (avec les accents) signifie "arts martiaux anciens" ou "pratique chevaleresque traditionnelle".
Le caractère Võ, équivalant au caractère Wu (de Wushu) dans les arts martiaux chinois et au caractère Bu (de Budo) dans les arts martiaux japonais, désigne une main qui arrête une hallebarde.
L'idée n'est donc pas de décapiter à tour de bras, mais bien au contraire de faire preuve d'une certaine sagesse, d'un certain niveau de maîtrise pour s'opposer à la violence, sans toutefois en faire usage.
Ce qui, immédiatement, nous éloigne des cris barbares poussés en frappant un adversaire au sol (comme on le voit malheureusement dans beaucoup trop de démonstration).
Alors, que sont ces "Võ Cổ-Truyền" ?
Les écoles qui transmettent le Võ Cổ-Truyền enseignent très souvent :
  • L'art du combat à mains nues.
  • L'art du maniement des armes.
  • Le travail de l'énergie interne.
Elles le font souvent aussi suivant deux méthodes : une méthode qui fait référence aux pratiques chinoises fortement implantées au Vietnam depuis les premières colonisations chinoises (env. -900 avant J.C.). On appelle cette méthode Boxe Thiếu Lâm (Thiếu Lâm signifiant Shaolin).
L'autre méthode, beaucoup moins connue et beaucoup moins répandue fait référence à la région de Bình-Định, région centrale du Vietnam.
Le Vietnam semble se rappeler depuis quelques temps qu'il détient une pratique martiale identitaire, et on commence à voir ressurgir le terme d'arts martiaux de Bình-Định.
La seule école vietnamienne que je connais, qui transmet vraiment et officiellement les arts martiaux de Bình-Định, en pouvant afficher ses affiliations et apporter la preuve de l'authenticité des textes et des leçons qu'elle transmet, est l'école Bình-Định Sa Long Cương.
Il y en a peut être d'autres, mais je ne les connais pas.
Et celles que je vois sur le Web qui affiche "Bình-Định" sont extrêmement démonstratives et acrobatiques, ce qui a tendance à me faire douter.
Pourquoi ? Le Võ Bình-Định est censé être une pratique militaire : pratique en armure, à cheval ou à pied d'armes, avec des armes lourdes, adaptées au champ de bataille, recherche d'efficacité, d'économie d'énergie aussi pour tenir longtemps.
Quand on sait aussi que tout un chacun était jadis suceptible d'étudier les arts martiaux pour défendre la nation, tous ces facteurs font que l'on s'éloigne normalement des acrobaties ou des pratiques d'athlètes hyper endurant, pour s'adapter au commun des mortels et répondre efficacement aux exigences de l'armement.
Mais bon, ce n'est que mon humble point de vue !
Regardez de même les pratiques anciennes chinoises (Hung gar, Xing I Quan, Baiji Quan, etc.) ou les pratiques japonaises militaires, c'est pareil, on se tient vraiment à distance des sauts périlleux et autres acrobaties des arts martiaux dits "modernes"...
Une petite vidéo sur Youtube du maître fondateur du Bình-Định Sa Long Cương :
Un autre lien vers une vidéo de démonstration du combat à la perche, typique des arts martiaux de Bình-Định :
Un lien vers un exemple actuel du développement du Vo Co Truyen "moderne" :

Naissance d'un Blog


Bonjour à tous et toutes,

Voici donc un blog dédié aux arts martiaux vietnamiens de l'école Bat Môn Quyên (Poing des Huit Portes).
Ce blog vient en complément du site Internet http://www.batmonquyen.com/ qui existe déjà.

Redondance ?

Non ! Je vais humblement essayer sur ce blog de vous présenter certains éléments que je ne présente pas sur le site, éléments qui vont bien sur tournés autour du thème des arts martiaux vietnamiens, mais aussi du Qi Gong, du San Yi Quan, des arts martiaux à Bergerac et en Dordogne, en France, etc.

Ce sera aussi une occasion pour moi de vous partager certaines découvertes que je fais sur le Web, de vous parler aussi de la pratique martiale de certains de mes amis (et même de mes ennemis :-))